Hiroshige / Van Gogh : Deux mondes

Elles sont incontournables.

Les deux expositions présentées à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 17 mars mettent en parallèle deux mondes.Elles sont l’occasion de découvrir ou redécouvrir Utagawa Hiroshige, le maître de l’ukiyo-e (qu’on peut traduire par « images du monde flottant ») et de mieux comprendre l’influence qu’il a eu sur la peinture de Vincent Van Gogh.

Les estampes d’Hiroshige, soigneusement composées, présentent, en suivant les deux routes mythiques qui relient Edo à Tokyo, un Japon idéalisé.Ce que l’on apprend aussi, c’est que le célèbre peintre ne se déplaçait pas vraiment sur le motif: il a beaucoup utilisé des gravures de «guides de voyage» préexistantes Mais surtout, il maîtrisait parfaitement la perspective dans la manière occidentale, et, en particulier dans la série des Cent vues d’Edo, on est complètement fasciné par la modernité des cadrages et des objets ou décors présentés en premier plan par rapport à la ligne de fuite.

Leur influence sur Vincent Van Gogh concerne une période courte mais prolifique, de 1887 à 1889. Il n’est jamais allé au Japon, mais il le cherche, tout comme il cherchait le Midi d’Adolphe Monticelli « en plein jaune orangé, en plein soufre »: avec obsession, répétition.

Dans ses lettres à son frère Théo, il évoque sans cesse, dès 1885, les artistes japonais et ces gravures qu’il épingle au mur, et qui lui rende, dit-il, « son atelier assez supportable ».

A travers ces estampes japonaises, c’est la paix, la beauté, la sérénité qu’il essaie de trouver à tout prix. Au point de voir le Japon en ouvrant simplement la fenêtre de sa chambre à Arles.

Ce que Van Gogh reprend dans les peintures japonaises, c’est aussi un goût pour le spectacle de la nature, une sensibilité pour le monde terrestre, fragile, vain et exaltant.

Van Gogh reprend certains thèmes d’Hiroshige, certaines techniques, la structure des tableaux, tout en conservant les couleurs vives, ses touches épaisses de peinture, très loin des estampes :

Oliviers du Midi ou pins japonais même combat. Les deux artistes jouent ici sur les formes mouvantes des branches, dont les feuilles et les épines se démarquent sur un ciel clair. La majesté des arbres est mise en valeur de la même façon: leur sommet s’arrête juste avant le bord de l’oeuvre.

Lorsqu’il réalise ce dessin à la plume, Van Gogh est déjà un grand connaisseur d’estampes. Il possède également plusieurs centaines de gravures de maîtres japonais. Et il est convaincu que c’est en les étudiant qu’on pourra donner un coup de sang neuf à l’art moderne : « L’art japonais est en décadence dans sa patrie, mais il jette de nouvelles racines chez les impressionnistes français », écrit-il à son frère Théo en 1886. De fait, le dessin et l’estampe ci-dessus partagent la même construction très dynamique. La diagonale du champ de Van Gogh reprend celle du pont d’Hiroshige.

Observez ce prunus : Hiroshige s’en sert, au premier plan, pour créer un filtre qui permet de voir différemment l’arrière-plan. C’est un tic que Van Gogh a longuement étudié et qu’il reprend à son compte dans cet autre tableau.

Evidemment, toutes les comparaisons que ces deux expositions de la Pinacothèque permettent d’effectuer ne sont pas aussi troublantes. Mais elles donnent de nouvelles clés de lecture pour comprendre un peintre, Van Gogh, qu’on croit déjà connaître par coeur.

Mais en fin d’exposition, après avoir effectué mentalementce trajet Edo/Arles, c’est à Utagawa Hiroshige qu’il faut revenir, et aux 200 estampes extrêmement poétiques présentées dans « l’art du voyage ». Suivre, avec les petits personnages affairés des gravures,les anciennes routes du Tokaido et du Kisokaido, partir, en perdant son regard dans les villages, les temples, les paysages, les petits détails au loin.

Rêver à son tour de Japon…

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